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ÉTUDE

Vision Technologique 2024

15 MINUTES DE LECTURE

janvier 9, 2024

En bref

  • La technologie s'humanise : les entreprises qui s'y préparent dès aujourd'hui seront les leaders de demain.

  • Avec les chatbots qui synthétisent de vastes quantités de données pour fournir réponses et conseils, l'accès à l'information change radicalement.
  • Alors que l'IA commence à raisonner comme nous, des écosystèmes d'agents intelligents capables de collaborer les uns avec les autres vont se constituer.
  • De nouvelles formes d'interfaces et d'expériences se développent avec l'informatique spatiale.
  • Les machines deviennent bien plus efficaces pour interagir avec nous et comprendre nos attentes.

Des technologies humaines par design – comment l’IA amplifie notre potentiel

Il est grand temps d'adopter une approche plus humaine de la technologie.

L'heure est à la réinvention. Dans les années qui viennent, les entreprises vont avoir à leur disposition un large éventail de technologies qui leur permettront d'amplifier radicalement le potentiel humain, la créativité et la productivité. Les entreprises pionnières sur le sujet ont déjà pris de l'avance dans cette nouvelle ère de productivité et d'opportunités. Les approches varient, mais toutes suivent le même fil conducteur : une technologie qui devient plus humaine.

Cela peut sembler contre-intuitif, car, après tout, la technologie n'a-t-elle pas été conçue par et pour les humains ? Créer des outils qui augmentent nos capacités physiques et cognitives est tellement spécifique à l'Humanité que certains soutiennent que c'est ce qui nous définit en tant qu'espèce.

Malgré tout, les outils que nous construisons sont souvent "non-humains" : ils comblent nos lacunes et font ce que nous ne pouvons pas faire. Ainsi, ils transforment radicalement nos vies. Par exemple, l'automobile a largement étendu nos capacités de déplacement, les grues nous ont permis de construire des gratte-ciels et des ponts et les machines nous ont aidés à créer, distribuer et écouter de la musique.

La nature "non humaine" de la technologie peut également devenir son point faible. L'utilisation prolongée d'outils manuels est cause d'arthrite, par exemple, tandis que les écrans peuvent aggraver les problèmes de vue. En voiture, nous disposons d'outils de guidage formidables, mais ils nous distraient de la conduite. Certes, beaucoup d'efforts sont fournis pour créer des outils plus ergonomiques ou plus faciles à utiliser. Mais malgré tout, au quotidien, nous prenons souvent des décisions en fonction de ce qui est le mieux pour la machine, au lieu d'optimiser le potentiel humain.

Désormais, pour la première fois dans l'histoire, des signes évidents indiquent que nous sommes en train de changer de direction — non pas en nous éloignant de la technologie, mais plutôt en créant un nouveau type de technologie, plus humaine. Cette technologie est plus intuitive, tant dans sa conception que dans sa nature même. Elle fait preuve d'une intelligence proche de la nôtre et s'intègre facilement dans tous les aspects de nos vies.

L'IA générative ne transforme pas seulement les tâches à accomplir. Elle commence également à avoir un impact profond sur les organisations et les secteurs d'activité.

Il suffit de regarder l'impact sur le monde qui nous entoure de l'IA générative et des modèles de type "Transformers". Les chatbots des débuts - ChatGPT, Bard - sont devenus des forces de changement qui rendent la technologie plus intuitive, intelligente et accessible à tous. Alors que l'IA se concentrait autrefois sur l'automatisation et les tâches répétitives, elle vise désormais à nous augmenter. Des outils réservés par le passé aux personnes les plus qualifiées ou fortunées sont maintenant accessibles à tous. Tout cela fait évoluer notre vision du travail.

L'IA générative ne transforme pas seulement les tâches à accomplir. Elle commence également à impacter profondément les organisations et les secteurs d'activité.

Évidemment, l'émergence d'une technologie plus humaine n'est pas seulement liée l'essor de l'IA. De nombreux points de frictions entre nous et la technologie commencent progressivement à être éliminés, ouvrant la voie à une amplification sans précédent du potentiel humain.

Les technologies "humaines par design" vont pouvoir toucher un public plus large. Elles vont aussi permettre de démocratiser l'accès au savoir et ainsi favoriser des vagues d'innovation continue. Des personnes jusqu'à présent restées en marge de la technologie vont pouvoir participer à la révolution numérique. Grâce à des technologies plus intuitives, elles vont pouvoir être mieux prises en considération, aussi bien en tant que clients ou qu'employés.

Humaniser la technologie - Les tendances de 2024

Je pense donc je suis

Les utilisateurs se tournent vers les chatbots d'IA générative pour faire des recherches, ce qui transforme l'accès à l'information et impacte les entreprises data-driven.

Voyez avec mon agent

L'IA passe à l'action : bientôt des écosystèmes d'agents intelligents vont être constitués au sein des entreprises. Une supervision humaine sera indispensable.

Besoin d'espace

Le marché de l'informatique spatiale se développe rapidement, mais pour tirer partie de ce nouveau medium, les entreprises devront identifier quelles applications ont du sens.

Corps électroniques

Un ensemble de technologies – du machine learning aux interfaces cerveau-ordinateur en passant par l'eye-tracking – permettent de mieux comprendre les individus.

95%

des dirigeants estiment qu'humaniser la technologie va générer des opportunités massives dans tous les secteurs de l'économie.

Les dirigeants seront confrontés à des questions familières : quels produits et services sont prêts pour un déploiement à grande échelle ? Quelles sont les nouvelles données disponibles ? Quelles actions de transformation initier ? Mais ils seront aussi confrontés à des questions qu'ils n'auraient peut-être jamais envisagées : quels types de limites et de garde-fou l'IA nécessite-t-elle ? Qui se trouvera impliqué dans cette transformation numérique ? Quelles sont nos responsabilités envers les individus qui constituent notre écosystème ?.

Rendre la technologie plus humaine ne consiste pas seulement à cocher une liste de fonctionnalités : c'est une vision pour l'avenir. Alors que les entreprises cherchent à repenser leurs infrastructures numériques, la technologie "humaine par design" va devenir un facteur clé dans la réussite de leurs stratégies. Toutes les organisations commencent en effet à comprendre que les technologies émergentes vont potentiellement les conduire à réorienter leurs efforts en matière de numérique. Les expériences en ligne, les produits, ou encore la data et les analytics sont appelés à évoluer à mesure que des technologies comme l'intelligence artificielle générative ou l'informatique spatiale gagnent en maturité.

Dans cette période de réinvention, les entreprises ont la possibilité de définir des stratégies qui maximisent le potentiel humain et éliminent les frictions entre l'Homme et la machine. Certes, l'avenir va être façonné par l'intelligence artificielle, mais il doit être pensé pour l'intelligence humaine. Alors qu'une nouvelle génération de technologies donne aux entreprises le pouvoir de faire plus, chaque choix qu'elles font a d'autant plus d'importance.

93%

des dirigeants estiment qu'avec les progrès technologiques rapides, il est plus important que jamais pour les organisations d'innover de façon responsable.

Tendance n°1 – "Je pense donc je suis" : une nouvelle vision de la connaissance

La vue d'ensemble

Notre rapport aux données évolue, et avec lui, notre façon de penser, de travailler et d'interagir avec la technologie. Tous les fondements des stratégies numériques des entreprises sont en train d'être bouleversés.

Le modèle d'interaction homme-données basé sur des recherches de type "bibliothécaire" laisse la place à un nouveau modèle : celui du conseiller. Au lieu d'effectuer des requêtes pour obtenir des résultats, les utilisateurs posent maintenant des questions aux chatbots d'IA générative. Un exemple concret ? ChatGPT, lancé par OpenAI en novembre 2022, est devenu l'application à la croissance la plus rapide de tous les temps. Les grands modèles de langage (ou LLM pour "Large Language Models") existent depuis des années, mais la capacité de ChatGPT à répondre aux questions de manière directe et conversationnelle a fait toute la différence.

Les données représentent l'un des éléments centraux de la digitalisation des entreprises. Les nouveaux chatbots, capables de synthétiser d'énormes quantités d'informations pour fournir des réponses et des conseils, d'utiliser différents types de données, de se souvenir des conversations précédentes et même de suggérer quoi demander ensuite, bouleversent tout. Les chatbots développés grâce aux LLM peuvent désormais jouer un rôle de conseillers et permettre aux entreprises de mettre entre les mains de chacun de leurs collaborateurs un outil doté d'une connaissance très étendue de l'organisation. Ce changement pourrait donner une valeur encore plus importante aux données et permettre enfin aux entreprises de tirer tous les bénéfices d'une approche "data-driven" de leur activité.

Grâce à l'IA générative, un majordome virtuel est enfin à portée de main.

Les entreprises possèdent des informations précieuses et uniques qu'elles souhaitent mettre à disposition de leurs clients, employés, partenaires et investisseurs. Mais une grande partie de ces informations reste difficile d'accès et d'utilisation, pour de nombreuses raisons : documents trop denses, informations silotées, difficulté à identifier les bons mots-clés de recherche, etc. Pour les entreprises "data-driven", ces données représentent une source de valeur potentielle que l'IA générative pourrait enfin permettre d'exploiter.

Néanmoins, le véritable bouleversement ne se limite pas seulement à la manière dont nous accédons aux données : il réside dans le potentiel de transformation de l'ensemble du marché des logiciels. Que se passerait-il si l'interface de toutes les applications et plateformes numériques devenait un chatbot d'IA générative ? Et si ces interactions devenaient le moyen principal de lire, écrire et interagir avec les données ?

Pour vraiment tirer parti de l'IA générative et construire l'entreprise du futur, alimentée par les données et l'IA, les entreprises doivent repenser radicalement leur stratégie digitale. La manière dont elles collectent et structurent les données, leurs architectures techniques, les modes de déploiement des outils numériques et les fonctionnalités qu'elles incluent doivent être repensées. De nouveaux enjeux, comme ceux de l'entrainement des modèles, la lutte contre les biais ou la supervision de l'IA doivent être intégrés dès les premières réflexions.

95%

des dirigeants estiment que l'IA générative va obliger leurs organisations à moderniser leurs architectures technologiques.

Renforcer ses infrastructures de données

De nouveaux outils et technologies peuvent aider les entreprises à renforcer leurs infrastructures de données et à se préparer pour un avenir "data-driven". Quel que soit le niveau de maturité de l'entreprise, les conseillers virtuels construits avec les LLM auront besoin d'une architecture de données plus accessible et contextuelle que par le passé.

Les graphes de connaissances - ou knowledge graphs - sont l'une des technologies les plus importantes dans ce domaine. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un modèle de données structuré sous forme de graphe, représentant des entités et leurs relations réciproques, ce qui permet d'encoder un contexte et un sens. Les graphes de connaissances peuvent non seulement agréger des informations issues de nombreuses sources et permettre une meilleure personnalisation, mais ils peuvent également améliorer l'accès aux données grâce à la recherche sémantique.

Outre les graphes de connaissances, le Data Mesh ("maillage des données") et le Data Fabric ("tissu de données") sont deux autres méthodes d'organisation de l'information à prendre en considération.

Les LLM, une nouvelle interface pour les données

Les graphes de connaissances, le Data Mesh et le Data Fabric représentent déjà de grands progrès pour les systèmes de gestion des connaissances. Mais les entreprises ont aussi beaucoup à gagner en franchissant l'étape suivante, qui consiste à passer du modèle de la bibliothèque à celui du conseiller. Imaginez si au lieu d'utiliser une barre de recherche, vos collaborateurs pouvaient poser des questions en langage naturel et obtenir des réponses claires, et ce, sur tous les sites internet et applications de l'entreprise ? Avec une architecture de données accessible et contextuelle, cela devient possible.

Les entreprises peuvent commencer par créer leurs propres LLM de toute pièce. Mais cela reste peu fréquent, en raison des importantes ressources que cela nécessite.

Une seconde option consiste à adapter et ajuster un LLM existant. Cela revient à s'appuyer sur un LLM généraliste et à l'adapter à un domaine spécifique, en l'entrainant sur un ensemble de documents propres à ce domaine. Cette option est la plus pertinente lorsque l'accès à des informations en temps réel n'est pas nécessaire, comme c'est le cas pour la production de contenus marketing, par exemple.

Les entreprises commencent aussi à affiner des modèles de langage plus petits (SLM, pour "Small Language Models") pour des cas d'utilisation spécifiques. Ces SLM ne sont pas seulement plus efficients - puisqu'ils fonctionnent à moindre coût avec des empreintes carbone plus faibles : ils peuvent être entrainés plus rapidement et s'intégrer à des appareils plus petits et moins puissants.

Enfin, une autre stratégie consiste à "consolider" un LLM pré-entraîné en lui fournissant des informations plus pertinentes et spécifiques aux cas d'utilisation, généralement grâce au recours à la Retrival Augmented Generation ("génération augmentée par la recherche" ou RAG).

Le secteur de l'IA générative et des LLM évolue rapidement, mais quelles que soient les options que vous privilégiez, gardez en tête que votre infrastructure de données devra être solide et contextuelle, sinon votre assistant virtuel ne sera jamais à la hauteur de ses promesses.

Comprendre et limiter les risques

Avant toute chose, lorsque les entreprises commencent à explorer les nouvelles possibilités offertes par les conseillers développés grâce aux LLM, elles doivent comprendre les risques qui y sont associés.

Les "hallucinations" figurent en tête de ces risques. Il s'agit presque d'une caractéristique intrinsèque des LLM. Parce qu'ils sont formés pour donner des réponses probabilistes, il arrive que ces conseillers fournissent des informations incorrectes avec la plus grande assurance.

Certes, ces hallucinations constituent un risque évident, mais ce n'est pas le seul à prendre en compte. Lors de l'utilisation d'un modèle public, les données propriétaires doivent être soigneusement protégées pour éviter toute fuite. Cette précaution s'applique également aux modèles privés, puisque les données ne peuvent pas être partagées avec des employés qui ne devraient pas y avoir accès. Le coût du calcul est aussi un aspect qui doit être pris en considération. En outre, peu de personnes possèdent l'expertise nécessaire pour déployer efficacement toutes ces solutions.

Cela dit, ces défis ne devraient pas être considérés comme des freins, mais plutôt comme un avertissement : il convient de déployer cette technologie en mettant en place les contrôles appropriés.

Les données qui alimentent les modèles - aussi bien lors de la phase d'entrainement que pendant les échanges - doivent être des données de haute qualité : récentes, bien étiquetées et non biaisées. Les données d'entrainement devraient être de type "zero-party" et partagées de manière proactive par les clients, ou de type "first-party" et collectées directement par l'entreprise. Des mesures de sécurité doivent être mises en place pour protéger toute donnée personnelle ou propriétaire. Enfin, des systèmes d'autorisation doivent également être en place pour garantir que l'utilisateur est autorisé à accéder à toute information utilisée lors de l'apprentissage contextuel.

Au-delà de leur exactitude, les réponses des chatbots doivent également être explicables et alignées avec la marque et l'entreprise. Des garde-fous peuvent être mis en place pour que le modèle ne réponde pas avec des données sensibles ou des propos offensants et pour qu'il refuse les questions échappant à son champ d'application. De plus, les réponses peuvent être nuancées en cas d'incertitude et fournir des sources pour vérification.

Enfin, les chatbots d'IA générative devraient faire l'objet de tests continus et d'une supervision humaine. Les entreprises devraient développer une approche éthique de l'IA éthique et établir des standards à respecter. Elles devraient également recueillir des retours réguliers des utilisateurs et assurer la formation de leurs employés.

En plus des nombreuses implications en termes de sécurité déjà évoquées dans cette tendance, les entreprises vont devoir également réfléchir à la manière dont les conseillers développés avec les LLM pourraient faire évoluer l'écosystème des données utilisateur.

Nous avons face à nous une opportunité unique de réinventer les principes de la recherche et de restaurer la confiance entre les entreprises et leurs clients. Les entreprises peuvent maintenant reprendre la main sur leurs propres informations, en stockant, sécurisant, analysant et diffusant leurs données et connaissances institutionnelles directement à leurs clients à travers des conseillers virtuels. C'est une grande responsabilité : votre entreprise doit s'assurer que ses données restent sécurisées, tout en fournissant des réponses de haute qualité. Il y a là une opportunité encore plus grande : sans l'intermédiation des moteurs de recherche dans les échanges d'information, les entreprises peuvent devenir des sources directes et fiables, regagnant ainsi la confiance de leurs clients.

Conclusion

L'IA générative change radicalement la donne dans le monde des données et des logiciels. Les grands modèles de langage (les LLM) modifient notre relation avec l'information. Tout, de la manière dont les entreprises touchent leurs clients à la façon dont elles mobilisent leurs employés et leurs partenaires, est en passe de se transformer. Les organisations leaders sont déjà passées à l'action : elles imaginent et construisent la prochaine génération d'entreprises "data-driven". D'ici peu, le mouvement ne concernera plus seulement les pionniers : ce sera la nouvelle manière d'opérer.

Tendance n°2 – "Voyez avec mon agent" : les écosystèmes d'IA

La vue d'ensemble

L'IA sort du cadre limité de l'assistance pour agir de plus en plus sur le monde. Au cours de la prochaine décennie, nous allons assister à l'émergence d'écosystèmes complexes d'agents intelligents, c'est-à-dire de vastes réseaux d'IA interconnectés. De quoi conduire les entreprises à penser leurs stratégies d'intelligence artificielle et d'automatisation d'une manière radicalement nouvelle.

Aujourd'hui, la plupart des stratégies d'IA se concentrent essentiellement sur l'assistance dans le cadre de tâches et de missions précises. Lorsque l'IA agit, c'est en tant qu'outil isolé, et non au sein d'un écosystème. Mais à mesure que l'IA évolue et prend la forme d'agents intelligents, les systèmes automatisés vont de plus en plus prendre des décisions et agir par eux-mêmes. Ainsi, les agents intelligents ne se contenteront pas de nous conseiller, ils agiront en notre nom. L'IA continuera de générer du texte, des images et des recommandations, mais les agents décideront par eux-mêmes de ce qu'ils en feront. Ils nous aideront à construire le monde de demain, et il est de notre devoir de s'assurer qu'il s'agit bien de celui dans lequel nous souhaitons vivre.

Alors que les agents deviennent nos collègues et nos représentants, nous allons devoir réfléchir à l'avenir de la technologie et des talents.

Cette évolution ne fait que commencer, mais les entreprises doivent déjà commencer à réfléchir à ce qui va suivre. Car si les agents commencent à agir, il ne faudra pas longtemps avant qu'ils se mettent à interagir entre eux. La stratégie d'intelligence artificielle de demain impliquera de coordonner un ensemble d'acteurs : des IA entraînées pour une tâche précise, des agents généralistes, des agents conçus pour la collaboration humaine et des agents destinés à l'optimisation des machines.

Mais il y encore a beaucoup de travail à faire avant que les agents intelligents puissent réellement agir en notre nom, et encore plus avant qu'ils puissent se coordonner les uns avec les autres. Pour l'instant, les agents se trouvent souvent bloqués, utilisent mal les outils et génèrent des réponses inexactes - autant d'erreurs qui peuvent rapidement s'accumuler.

Jusqu'à présent, les humains et les machines ont été associés pour des tâches précises et les dirigeants ne se sont jamais préparés à ce que ce soit l'IA qui dirige nos entreprises. Alors que les agents intelligents s'apprêtent à devenir nos collègues et nos représentants, nous devrons repenser l'avenir de la technologie et des ressources humaines. Il n'est pas seulement question de développer de nouvelles compétences, il s'agit de s'assurer que les agents partagent nos valeurs et nos objectifs. Les agents intelligents vont contribuer à construire le monde de demain, notre travail est de nous assurer qu'il s'agit bien du monde dans lequel nous voulons vivre.

96%

des dirigeants estiment que les écosystèmes d'agents intelligents représentent une opportunité significative pour leurs organisations dans les trois prochaines années.

Les assistants intelligents gagnent en maturité pour devenir des représentants capables d'agir en notre nom, mais pour que cette évolution trouve sa place en entreprise, trois conditions devront être remplies : l'accès à des données et services en temps réel ; la capacité de raisonner à travers des chaînes de pensée complexes ; et la création de nouveaux outils - non pas pour une utilisation humaine, mais pour une utilisation par des agents eux-mêmes.

Commençons par l'accès à des données et services en temps réel : lorsque ChatGPT a été lancé, une erreur courante des utilisateurs était de penser que l'application recherchait activement des informations sur le web. En réalité, GPT-3.5 (le LLM avec lequel ChatGPT a été initialement lancé) était entrainé sur une base de connaissances extrêmement large et s'appuyait sur les relations entre ces données pour générer ses réponses.

Mais des plugins permettent maintenant à ChatGPT d'accéder à internet, ce qui a le potentiel de transformer les puissants modèles de base qui opèrent de façon isolée en agents capables de naviguer dans le monde numérique en temps réel. Les plugins ont un potentiel considérable en tant que tel, mais ils vont surtout jouer un rôle considérable dans l'émergence des écosystèmes d'agents.

La deuxième étape de l'évolution des agents est la capacité de raisonner et de penser de manière logique, car même les actions qui nous semblent les plus simples dans notre quotidien impliquent de donner une série d'instructions complexes aux machines.

La recherche en IA commence à lever les obstacles au raisonnement automatique. Les requêtes de type "chain-of-thought", notamment, peuvent aider les LLM à mieux comprendre les étapes d'une tâche complexe.

Grâce au raisonnement par étapes et les plugins, l'IA a le potentiel de prendre en charge des tâches complexes en s'appuyant à la fois sur des raisonnements progressifs et sur l'abondance d'outils numériques disponibles sur le web. Mais comment faire si la solution requise n'est pas encore disponible ?

Lorsqu'un humain est confronté à une telle contrainte, il achète ou construit les outils dont il a besoin. Pendant longtemps, l'IA comptait exclusivement sur les humains pour accroître ses capacités. Mais nous voyons émerger la capacité de l'IA à développer des outils pour elle-même.

Les écosystèmes d'agents intelligents ont de quoi impressionner. En effet, ils représentent un défi incroyablement complexe en termes d'orchestration et impliquent une réorganisation massive du travail humain. C'est suffisant pour que les dirigeants se demandent par où commencer.

La bonne nouvelle est que les efforts actuels de transformation numérique vont grandement contribuer à aider les entreprises dans cette tâche.

Que se passe-t-il lorsqu'un écosystème d'agents intelligents se met au travail ? Qu'ils se comportent en assistants ou en représentants, la conséquence sera une hausse massive de la productivité et de l'innovation, ainsi qu'une réorganisation du travail humain.

En tant qu'assistants ou copilotes, les agents pourraient démultiplier de manière spectaculaire la productivité individuelle des employés. 

Nous ferons aussi de plus en plus confiance aux agents pour agir en notre nom. En tant que représentants, ils pourraient remplir des tâches actuellement effectuées par des humains, mais avec un avantage considérable : à lui seul, un agent virtuel pourrait maîtriser toutes les connaissances et informations de l'entreprise.

Les entreprises vont devoir réfléchir aux implications humaines et technologiques de cette évolution. Du côté technologique, un point majeur d'attention sera la façon dont ces entités s'identifient. 

Les impacts sur les travailleurs humains - et leurs nouvelles responsabilités, missions et fonctions - vont exiger une réflexion encore plus poussée. Soyons clairs, les humains ne vont pas disparaitre des organisations. Les humains créeront et appliqueront les règles pour les agents.

Repenser le talent humain

Avec les écosystèmes d'agents intelligents, vos collaborateurs les plus précieux seront ceux qui sont les mieux armés pour superviser les agents.

Le niveau de confiance qu'une entreprise accorde à ses agents autonomes va directement impacter la valeur que ces agents peuvent créer. Ce sont vos collaborateurs qui seront en charge de construire cette confiance.

Mais les agents doivent doivent également comprendre leurs limites. Quand un agent a-t-il suffisamment d'informations pour agir seul, et quand doit-il chercher de l'aide avant de prendre une décision ? Dans tous les cas, les humains décideront du degré d'indépendance à accorder à leurs systèmes autonomes.

Ce que les entreprises peuvent faire

Que pouvez-vous faire dès à présent pour préparer vos collaborateurs et vos agents intelligents ? Donnez aux agents l'opportunité d'en apprendre davantage sur votre entreprise, et donnez à votre entreprise l'occasion d'en apprendre davantage sur les agents.

Les entreprises peuvent commencer par créer des liens entre les agents virtuels et leurs prédécesseurs, les LLM. En affinant les LLM avec les informations de votre entreprise, vous permettez aux modèles de base de développer une expertise spécifique.

Il est également temps de présenter les humains à leurs futurs collègues numériques. Les entreprises peuvent poser les bases de la confiance avec les futurs agents en enseignant à leurs collaborateurs comment travailler avec les technologies intelligentes existantes. Poussez vos employés à découvrir les systèmes autonomes existants et à en comprendre les limites.

Enfin, il faut qu'il n'y ait aucune ambiguïté concernant la vision et les objectifs de l'entreprise. Chaque action réalisée par vos agents devra être reliée à vos valeurs fondamentales et à une mission. Il n'est donc jamais trop tôt pour faire infuser vos valeurs à tous les échelons de votre organisation.

Du point de vue de la sécurité, les écosystèmes d'agents intelligents devront assurer la transparence de leurs processus et de leurs décisions. Dans les logiciels, la nécessité d'établir une BOM (pour "Bill of Materials"), c'est-à-dire une liste claire de tous les composants du code et de ses dépendances, commence à s'imposer dans les usages, afin de permettre aux entreprises et aux agences de voir ce qu'il y a sous le capot. De la même manière, une telle nomenclature pour les agents pourrait aider à expliquer et à suivre les processus décisionnels.

Quelle logique l'agent a-t-il suivie pour prendre une décision ? Quel agent a pris la décision ? Quel nouveau code a été généré ? Quelles données ont été utilisées et avec qui ces données ont-elles été partagées ? Plus nous pourrons suivre et comprendre les processus de prise de décision des agents, plus nous pourrons leur faire confiance pour agir en notre nom.

Conclusion

Les écosystèmes d'agents intelligents ont le potentiel de multiplier la productivité et l'innovation des entreprises à un niveau qu'il est humainement difficile à appréhender. Mais ils ne créeront de la valeur que si ce sont les humains qui les guident. La connaissance et le raisonnement humains donneront l'avantage à un réseau d'agents par rapport à un autre. Aujourd'hui, l'intelligence artificielle est un outil. À l'avenir, les agents intelligents opéreront nos entreprises. Il est de notre devoir de nous assurer qu'ils ne déraillent pas. Étant donné le rythme des évolutions de l'intelligence artificielle, c'est le moment de commencer à intégrer des agents intelligents à vos organisations.

Tendance n°3 – "Besoin d'espace" : l'informatique spatiale

La vue d'ensemble

L'informatique spatiale est sur le point de changer non seulement le cours de l'innovation technologique, mais aussi nos manières de travailler et de vivre. Alors que les ordinateurs de bureau et les smartphones utilisent des écrans comme porte d'entrée vers le monde numérique, l'informatique spatiale va enfin fusionner les différentes réalités, en rapprochant le numérique et le physique. Les applications conçues pour ce médium permettront aux gens de s'immerger dans des mondes numériques tout en ayant un sens physique de l'espace, ou de superposer du contenu sur leur environnement physique.

Ceci étant dit, pourquoi n'avons-nous pas l'impression d'être au début d'une nouvelle ère technologique ? Pourquoi assistons-nous à la place à des débats sur "la fin du métavers" ? Car, oui, le métavers est l'une des applications les plus connues de l'informatique spatiale.

L'informatique spatiale est sur le point de changer le cours de l'innovation technologique et la façon dont nous vivons et travaillons.

Certains acteurs temporisent et expliquent que l'engouement pour le métavers a surpassé le niveau de maturité de la technologie. Mais d'autres continuent à avancer rapidement dans ce domaine. Meta poursuit ses développements rapides de produits de réalité virtuelle et de réalité augmentée. Il a présenté Codex Avatars, qui s'appuie sur l'IA et les caméras des smartphones pour créer des avatars photoréalistes. L'application RealityScan d'Epic Games, quant à elle, permet aux utilisateurs de scanner des objets dans le monde physique avec un simple téléphone, pour en faire des objets virtuels 3D.

Dans les coulisses, des technologies en progression rapide comme l'IA générative continuent de rendre le développement d'expériences et d'environnements virtuels plus rapide et moins coûteux. Et, de façon peut-être moins visible, ces technologies sont déjà déployées dans le monde industriel. Les jumeaux numériques dans les chaînes de production, la réalité virtuelle et augmentée dans la formation et le contrôle à distance des opérations, la mise en place d'environnements virtuels de conception collaborative... Tout cela constitue déjà des usages concrets – et utiles – de l'informatique spatiale.

La vérité est que de nouveaux médiums n'apparaissent pas très souvent. Et lorsque c’est le cas, leur adoption est lente. Néanmoins, les multiples avantages de s'y plonger dès leurs débuts sont indéniables.

92%

des dirigeants affirment que leur organisation compte acquérir un avantage concurrentiel grâce à l'informatique spatiale.

Développer des applications spatiales

De nouveaux standards, outils et solutions technologiques rendent le développement d'applications et d'expériences spatiales plus facile et moins coûteux.

Pensez aux sites web que vous fréquentez ou à vos applications préférées sur votre téléphone. Même si leurs fonctionnalités sont différentes, quelque chose de totalement universel sembler relier entre elles les expériences les plus disparates. Pourquoi ? Parce qu'elles reposent toutes sur les mêmes bases.

Or, pendant longtemps, l'informatique spatiale n'a pas eu une telle base.

C'est là qu'entre en scène l'Universal Scene Description (USD), un format de fichier pour les univers 3D. Développé par Pixar, l'USD est un framework qui permet aux créateurs de définir tous les aspects d'une scène, comme les arrière-plans, l'éclairage, les personnages, etc. Puisque l'USD est conçu pour rassembler ces éléments dans une même scène, différents logiciels peuvent être utilisés pour chacun d'entre eux, ce qui facilite la collaboration. L'USD s'impose rapidement dans des applications spatiales à fort impact, comme les jumeaux numériques industriels.

Les entreprises doivent comprendre qu'elles n'exploiteront pas ces espaces de façon isolée. De la même manière qu'aucune page web ou application n'existe seule, la prochaine évolution d'internet promet de rapprocher encore plus ces expériences parallèles.

Le sens de l'espace

Un aspect qui différencie l'informatique spatiale des autres expériences numériques est l'engagement de nos différents sens. De nouvelles technologies permettent en effet aux développeurs de concevoir des expériences qui sollicitent tous les types de sens, dont le toucher, l'odorat et l'ouïe.

Dans les itérations précédentes de la réalité virtuelle, l'usage de technologies haptiques ou le recours au toucher pouvaient s'avérer décevants. Mais des chercheurs de l'Université de Chicago ont récemment proposé une nouvelle solution : l'utilisation d'électrodes afin de mieux imiter le sens du toucher.

Les odeurs peuvent également rendre les espaces numériques plus réalistes, en évoquant des souvenirs ou en déclenchant des réactions instinctives, comme le combat ou la fuite. Scentient, une entreprise qui essaie d'intégrer une dimension olfactive au métavers, mène des tests de sa technologie dans le cadre de la formation des pompiers et des secouristes : un domaine où les odeurs, comme la présence de gaz, peuvent être déterminantes pour évaluer une urgence.

Évidemment, le son, et plus particulièrement l'audio spatialisé, s'avère tout aussi essentiel pour créer des univers virtuels réalistes.

Enfin, les applications spatiales immersives devront reproduire la façon dont nous nous déplaçons naturellement.

L'informatique spatiale ne va pas prendre la place des smartphones et des ordinateurs. Mais elle est en train de devenir un élément important de la stratégie informatique des entreprises.

Nous avons déjà vu de premières étapes. Les jumeaux numériques gagnent en pertinence lorsqu'on peut les parcourir et les explorer. Dans la formation, vivre une expérience a plus d'impact que de visionner une vidéo. Certes, la plupart de ces initiatives restent encore au stade de projets pilotes, mais une étude approfondie des avantages de l'informatique spatiale peut contribuer à éclairer et à orienter la stratégie des entreprises. Le marché est encore en phase de maturation, mais il semble évident que les applications spatiales trouvent tout leur intérêt lorsqu'elles répondent à un ou plusieurs de ces trois objectifs : transmettre de larges volumes d'informations complexes ; donner aux utilisateurs un contrôle sur leur expérience ; et, de manière un peu contre-intuitive, augmenter les espaces physiques.

C'est dans le domaine de la transmission d'informations complexes que l'avantage des technologies spatiales est probablement le plus évident. Lorsqu'une interface permet aux utilisateurs de se déplacer et d'agir de façon naturelle et instinctive, l'information peut être transmise de manière bien plus dynamique et immersive. Parmi les premiers exemples d'applications spatiales réussies figurent ainsi, comme nous l'avons vu, les jumeaux numériques industriels, les solutions de formation en réalité virtuelle ou l'assistance à distance en temps réel.

Le deuxième avantage de l'informatique spatiale par rapport aux autres technologies est sa capacité à donner aux utilisateurs le pouvoir de définir et modifier leurs expériences au sein de l'application. Parce que l'informatique spatiale permet de développer des expériences numériques avec un sens physique de l'espace, des expériences qui donnent aux utilisateurs plus de flexibilité pour se déplacer et explorer peuvent être imaginées.

Enfin, les applications spatiales représentent un avantage pour les espaces physiques : elles peuvent les augmenter, les améliorer et les étendre sans les modifier matériellement. Imaginez un bureau futuriste où les moniteurs, projecteurs et écrans physiques sont remplacés par des ordinateurs et des applications spatiales. Nous allons avoir davantage de flexibilité pour concevoir des espaces plus simples, peu coûteux et qui évoluent plus facilement.

Alors que le monde du travail devient "spatial", les entreprises doivent également prendre en compte les enjeux de sécurité. Il va y avoir plus d'appareils que jamais, puisque les employés vont utiliser de nouveaux appareils pour travailler, tandis que les clients les utiliseront pour accéder à des expériences spatiales. Cet écosystème en constante expansion créera davantage de points d'entrée pour les attaquants. Mais comment fixer des limites ? Les stratégies d'informatique spatiale des entreprises devront être conçues selon les principes du "zero-trust".

En outre, les entreprises doivent accepter d'avancer en territoire inconnu : fournisseurs et utilisateurs doivent s'attendre à être confrontés à des angles morts. Une seule ligne de défense ne sera pas suffisante, mais des stratégies de défense en profondeur, qui s'appuient sur plusieurs couches de sécurité (administratives, techniques et physiques) peuvent être déployées pour se protéger.

Conclusion

L'informatique spatiale est sur le point de révéler tout son potentiel. La course est lancée et les premiers entrants prennent de l'avance. Pour se positionner en pionniers de cette nouvelle étape dans l'histoire de l'informatique, les dirigeants doivent réévaluer leur perception du sujet et reconnaître que les récentes avancées technologiques sont sur le point de changer la donne. Les nouvelles interfaces informatiques sont rares et elles peuvent avoir un impact majeur sur les entreprises et les utilisateurs pour des décennies.

Tendance n°4 – "Corps électroniques" : une nouvelle interface humaine

La vue d'ensemble

L'incapacité à comprendre les utilisateurs est un facteur limitant pour de nombreuses technologies que nous utilisons aujourd'hui. Il suffit de penser aux robots et aux drones qui ne peuvent être contrôlés qu'en traduisant ce que nous voulons en commandes qu'ils comprennent. Lorsque la technologie s'avère décevante, c'est souvent parce que les utilisateurs - ce qu'ils veulent, ce qu'ils attendent ou ce qu'ils ont l'intention de faire - restent une énigme.

Des chercheurs et entrepreneurs tentent aujourd'hui de résoudre ce problème. Dans tous les secteurs, ils mettent au point des technologies et des systèmes capables de comprendre les utilisateurs d'une manière inédite et de façon plus approfondie. Ils créent une "interface humaine" dont l'impact dépassera largement l'amélioration des maisons connectées, par exemple.

Il suffit de voir comment les neurotechnologies commencent à se connecter au cerveau humain pour s'en rendre compte. Récemment, deux études distinctes menées par des chercheurs de l'université de Californie à San Francisco et de l'université de Stanford ont démontré que les prothèses neuronales - comme les interfaces cerveau-ordinateur (ou "BCI" pour "Brain-Computer Interfaces") - permettaient de décoder la parole à partir de données neuronales. Cela pourrait aider les patients souffrant de handicaps verbaux à "parler", en traduisant les tentatives d'élocution en texte ou en voix synthétique.

Lorsque les technologies peuvent mieux comprendre notre comportement et nos intentions, elles s'adaptent plus efficacement à nous.

Autre exemple : le développement des technologies qui analysent les mouvements du corps, comme le suivi des yeux et des mains. En 2023, le Vision Pro d'Apple a marqué le lancement de visionOS, qui permet aux utilisateurs de naviguer et de "cliquer" grâce à leur regard et un simple geste, sans avoir besoin d'une manette.

Ce type d'innovation redéfinit les règles et repousse les limites qui ont caractérisé les interactions entre l'homme et la machine pendant des dizaines d'années. Aujourd'hui, pour que les technologies fonctionnent, nous devons trop souvent faire des concessions, en nous adaptant et en modifiant nos comportements. Lorsque les technologies pourront mieux comprendre nos décisions et nos intentions, ce sont elles qui s'adapteront à nous.

Pour réussir, les entreprises vont devoir prendre en compte les différents enjeux liés à la confiance et en particulier les craintes des utilisateurs au sujet des mauvais usages de la technologie. Les entreprises, comme les individus, peuvent se montrer réticents à l'idée de laisser la technologie nous analyser et nous comprendre de façon aussi poussée. Les règles de protection de la vie privée applicables à la biométrie vont devoir être actualisées. De nouveaux principes neuroéthiques devront être définis, notamment en ce qui concerne le traitement des données cérébrales et l'analyse des différentes données biométriques, utilisées pour déduire les intentions et l'état d'esprit des utilisateurs. En attendant que les réglementations officielles rattrapent leur retard, c'est aux entreprises qu'il revient de créer un environnement de confiance.

31%

des consommateurs reconnaissent qu'ils sont souvent frustrés par le fait que la technologie ne les comprend pas et ne saisit pas leurs intentions avec précision.

Essayer de comprendre les gens - en tant qu'individus, cibles marketing ou populations - est un enjeu depuis plusieurs siècles. Au cours des dernières décennies, l'utilisation des technologies numériques a été un facteur de différenciation majeur pour y parvenir. Les plateformes et solutions numériques ont permis aux entreprises de suivre et d'analyser les comportements des individus, avec des résultats remarquables. Aujourd'hui, l'"interface humaine" change à nouveau la donne, en permettant de comprendre les individus de manière encore plus précise, avec une approche davantage centrée sur l'humain.

Les technologies couramment utilisées pour comprendre les individus sont basées sur des modèles de suivi et d'analyse qui manquent encore de précision. Un consommateur peut lire ou regarder un contenu auquel il est habitué, mais il se peut très bien qu'il souhaite en fait quelque chose de totalement nouveau. Nous savons très bien reconnaître ce que les individus font, mais nous ne comprenons pas toujours pourquoi ils le font.

Comment l'"interface humaine" évalue les intentions

L'"interface humaine" ne définit pas une seule et unique technologie. Elle englobe plutôt un ensemble de technologies qui permettent aux acteurs les plus innovants de mieux comprendre les individus.

Certains d'entre eux utilisent des appareils connectés pour collecter les données biométriques, afin de les aider à prédire ce que les individus veulent, ou comprendre leur état d'esprit.

D'autres mettent au point des moyens plus sophistiqués pour comprendre les intentions des individus par rapport à leur environnement.

L'IA est une autre façon d'analyser les intentions. Prenons l'exemple des collaborations homme-robot. L'état d'esprit d'une personne - par exemple si elle se sent enthousiaste ou épuisée - peut influer sur la manière dont elle aborde une tâche. Les humains ont tendance à bien percevoir ces informations, mais ce n'est pas le cas des robots.

Enfin, les technologies d'"interface humaine" les plus intéressantes sont peut-être à chercher dans le domaine des neurotechnologies, avec la neurodétection et les interfaces cerveau-machine. De nombreuses entreprises de neurotechnologie sont apparues au cours de la dernière décennie et ce champ de recherche représente un potentiel évident pour nous aider à détecter et analyser les intentions humaines.

Les neurotechnologies font progresser l'"interface humaine"

Nombreux sont ceux qui pensent que la détection neuronale et les interfaces cerveau-machine en sont encore très loin du stade de l'utilisation commerciale, mais des progrès récents sont de nature à les détromper.

Les sceptiques ont tendance à considérer que les neurotechnologies vont rester cantonnées au domaine de la santé. Mais de nouveaux champs d'application apparaissent chaque jour.

Deux avancées majeures sont à l'origine de cette évolution. La première est le décodage des signaux cérébraux. Les progrès de l'IA, ainsi qu'une plus grande disponibilité des données cérébrales, font aujourd'hui une grande différence.

Le deuxième point à surveiller est l'évolution du matériel neurologique, et plus précisément la qualité des dispositifs externes. Historiquement, l'EEG (électroencéphalogramme) et l'IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) sont deux des techniques de détection externe du cerveau les plus utilisées. Néanmoins, jusqu'à récemment, ces deux techniques ne pouvaient être utilisées qu'en laboratoire. Mais cela commence à changer.

Alors qu'un nombre croissant d'entreprises commencent à élaborer des stratégies d'"interface humaine", elles devraient commencer par identifier les différents domaines d'activité qui pourraient en bénéficier.

Avant tout, il convient d'évaluer à quel point les technologies d'"interface humaine" relèvent le niveau en matière d'anticipation des actions des individus. Certains des cas d'utilisation les plus prometteurs se situent dans des domaines où l'homme et la machine collaborent ensemble au sein du même espace. Par exemple, les entreprises pourraient concevoir des chaînes de production plus sûres et plus productives si les robots pouvaient anticiper ce que les ouvriers s'apprêtent à faire.

Un autre domaine susceptible d'être transformé est la collaboration directe entre l'homme et la machine, et en particulier la manière dont nous utilisons et contrôlons la technologie. C'est le cas par exemple avec les neurotechnologies, qui permettent d'utiliser notre cerveau et de nous connecter à la technologie d'une manière inédite, et potentiellement plus intuitive.

Enfin, l'"interface humaine" pourrait être à l'origine de l'émergence de nouveaux produits et services. La détection cérébrale, par exemple, pourrait aider les gens à mieux se comprendre. C'est ainsi que l'Oréal, notamment, travaille avec la startup EMOTIV pour aider les gens à mieux comprendre leurs préférences en matière de parfum.

D'autres encore étudient l'intérêt de l'"interface humaine" pour la sécurité. C'est le cas de Meili Technologies, une startup qui travaille à l'amélioration de la sécurité des véhicules. Elle associe des modèles de deep learning, l'analyse d'images et des données captées dans l'habitacle pour détecter si un conducteur est victime d'une crise cardiaque, d'une crise d'épilepsie, d'un accident vasculaire cérébral ou d'une autre situation d'urgence.

La concurrence évolue et la confiance est plus importante que jamais

Dès à présent, les entreprises doivent commencer à évaluer les risques posés par ces technologies et étudier les nouvelles règles et mesures de protection à mettre en place. Plutôt que d'attendre que les réglementations se multiplient, les entreprises responsables doivent se pencher sur la question maintenant, en s'inspirant des lois biométriques existantes et des standards de l'industrie médicale.

Davantage que dans toutes les autres tendances de cette année, la sécurité va être déterminante pour l'adoption de l'"interface humaine" par les entreprises et les consommateurs.

L'acceptation d'outils plus connectés et plus précis va dépendre de la capacité des utilisateurs à garder la main sur les informations qui sont partagées. Cet enjeu doit être pris en compte dans la conception de la prochaine génération d'interfaces homme-machine. Il faudra laisser aux utilisateurs le choix de donner accès à des données pertinentes pour les tâches à accomplir ou de refuser de partager des informations sensibles.

Conclusion

L'interface humaine" ouvre la porte à une nouvelle approche pour résoudre l'un des plus vieux défis des entreprises : comprendre les individus. Cela représente une immense responsabilité, et une opportunité encore plus grande. Les individus vont poser des questions et exprimer des préoccupations à propos de la protection de la vie privée : ce sera le premier et le plus important obstacle que les entreprises vont devoir surmonter. Mais la possibilité de comprendre les individus d'une manière plus précise, avec une approche davantage centrée sur l'humain, en vaut la peine.

L'ingénierie positive : un moment charnière pour la technologie

Nous arrivons à ce qui pourrait être le point d'inflexion le plus important de l'histoire de la technologie. Les entreprises - et donc les décisions prises par leurs dirigeants - vont déterminer en grande partie la façon dont nous allons évoluer.

Même si nous allons connaître un surcroît d'innovation et de croissance, tout ne sera pas positif. Les possibilités de fraude et de désinformation, ainsi que les menaces de sécurité, seront plus nombreuses (et variées). Si nous concevons des outils avec des capacités humaines, mais sans intelligence humaine - ou même sans conscience humaine - nous risquons de nuire à la fois l'économie et à l'intérêt général.

À l'ère de la technologie humaine, chaque produit et chaque service que les entreprises mettent sur le marché a le potentiel de transformer des vies, de solidifier des communautés et de provoquer des changements, pour le meilleur ou pour le pire. Et, invariablement, les entreprises devront trouver un l'équilibre délicat entre la nécessité d'agir rapidement et celle d'agir avec prudence, alors même que des concurrents ou d'autres pays ne partagent pas les mêmes préoccupations ou n'imposent pas les mêmes garde-fous.

Alors que nous nous efforçons de rendre la technologie "humaine par design", nous devons prendre en compte les enjeux de sécurité et les considérer comme un moyen essentiel pour construire la confiance entre les individus et la technologie, plutôt que comme des contraintes et des limitations. Au cours des dernières années, les questions éthiques liées à la technologie se sont multipliées, sous différents angles. Parmi elles figurent les enjeux d'inclusion, d'accessibilité, de durabilité, de sécurité de l'emploi, de propriété intellectuelle, et bien plus encore. Chacune de ces questions nous ramène à une seule et même interrogation : comment trouver l'équilibre entre ce que nous pouvons faire avec la technologie et ce que nous voulons en tant que société ?

Nous sommes à une période de transformation cruciale tant pour la technologie que pour les individus. À nous tous de contribuer activement à ce changement.

AUTEURS

Paul Daugherty

Chief Technology & Innovation Officer

Michael Biltz

Managing Director – Accenture Technology Vision

Adam Burden

Global Innovation Lead

Christophe Jeantet

Managing Director – Accenture Technology France